Et de retrouver Shyamalan,sa douceur,sa touche cristallinne,son cinéma décidemement si fragile et singulier .
Ses récits sont toujours les mêmes ,à mi-chemin entre le fantastique (avec
le Village il s'en échappe même subrepticement)et l'intimiste,ses personnages sont tous semblables,effaçés,craintifs,mal assurés,tristes,la ligne conductrice de l'intrigue est invariablement celle de leur ouverture au monde,leur épanouissement,leur accomplissement,leur destin : celui d'un enfant qui doit composer avec une différence,celui d'un homme qui doit accepter la mort,celui d'un homme qui doit devenir un héros,celui d'un homme qui doit retrouver une foi disparu etc ….
Les membres du Village (ça me fait penser au
Prisonnier) eux en ont assez des hommes,et si c'est de monstres qu'ils prétendent se défier,c'est d'abord la corruption et le crime qu'ils cherchent à fuir .
Ils se sont isolés,ont refermé sur leur tête le couvercle d'un monde clos,une société archaique,idéal,oû l'argent et le vice n'ont pas de sens .
Le rouge est la couleur interdite,et pourtant le rouge-sang se répandra et brisera cet équilibre ,il jaillera même d'une main innoçente.
Au détour des vertus métaphoriques de ce film,qui voit une aveugle,guidée par un amour immaculé,traverser une foret de peur,d'obscurantisme,et de préjugés,pour récréer le pont enttre 2 mondes,2 civilsations,le temps d'un instant certes,mais tout de même,on pourrait s'égarer et en venir à oublier ,la puissance du style,la perfection dans l'installation d'une atmosphère de huis-clos,surnaturel,la langueur (qui plus que toute autre attribut caractèrise les films de Shyamalan),l'infinie méticulosité de l'auteur pour saisir le pouls de cette communauté,un pouls calme,apaisé mais craintif,superstitieux, suspendu aux lèvres de William Hurt,plus messianique que jamais , un rythme qui s'emballe tout à coup,fouetté par une accéleration de la musique,un frisson qui traverse l'échine,une apparition fugaçe,parfois à peine suggérée,.....cela et la beauté de cette histoire d'amour ,les envolées,sublimes, de violon,ces curieux instants de mise en scène oû le temps semble s'arrêter,l'univers,les sens s'étirer en un long frémissement (lorsque Lucius saisit à la volée la main d'Ivy et l'entraine comme dans un ballet magique vers la maison,le coup de couteau ,silencieux,les variations de couleurs,l'incroyable forçe,du plan oû
Adrian Brody gît au fonds d'un trou comme un pantin désarticulé
…),la clarté du jeu des acteurs.
Tout cela réunit rapproche chaque instant un peu plus ce film d'
Incassable,le premier chef d'œuvre du bonhomme,chef d'œuvre fièrement encadré par le beau et efficaçe
Sixième Sens,et le nostalgique,drôle et spectaculaire
Signs …
Nombreux sont là pour montrer du doigt la roublardise de Shyamalan,je le trouve pour ma part au contraire d'une profonde sincérité .
Quant à parler d'ennui ou de préciosité ,chacun ses gouts,même si on peut largement en discuter,mais je me réjouis en tout cas que l'auteur-filmeur d'origine indienne ait choisi d'exercer ses talents dans des des genres (le fantastique,le cinéma d'épouvante ou de frissons)auquel il n'était pas forçément destiné,et qu'on dénigre souvent,je m'en réjouis car il les illumine de façon incontestable .
J'en suis persuadé .