Colonel Kurtz a écrit :
Ouverture boitier.
Saisie disque.
Introduction lecteur.
Language,subtitle,play film .
Demo son THX .
Faille temporelle .
THX 1138 le film,le chef d'oeuvre,peut commençer.
On est en 1970,George Lucas a plus d'idées que de moyens,des idées fabuleuses .
On est en 2004,sons et images restaurés à la perfection,
THX 1138 est à quelques mesures près tout-puissant .
"
Achète et sois heureux"
L'homme maillon de la chaine-état de production,un presque robot,qui consomme ce qu'il construit,toujours plus vite.
L'homme vidé de son essence,le coeur arraché chirugicalement et remplaçé par des fils électriques ,une carte-mère et des séries de chiffres .
L'homme instrumentalisé,anonyme,inter-changeable,l'homme façon Orwell,mode Huxley .
La pillule bleue pour enlever la colère,la rouge pour ôter le désir,les zombies thérapeuthiques ,le vallium de Brett Easton Ellis .
"
Tu es un sujet de dieu,crée à l'image de l'homme par les masses,pour les masses"
"
Tu es un vrai croyant ,avec la bénédiction de l'état et des masses"
Tout est blanc,propre et sans limites,ça ressemble au paradis.
Sauf que Dieu est un menteur,qu'on consulte pour quelques sous dans une cabine téléphonique,un Dieu qui trône dans un studio de télévision,ce temple et ces prières quotidiennes et de multiples fois répétées .
L'enfer donc,mécanique,un malaise laiteux oû s'ébrouent des silhouettes inquiètes aux cranes tondus pour être mieux digerés.
Un amour interdit,contre-nature,dont le fruit sera enfermé dans un bocal,des hologrammes qui se prennent pour des hommes,les mathématiques par intravéneuse,la liberté arrachée,THX,THX,THX ....
Film expérimental,à la narration suspendue,irréelle,film-somme ,d'idées, de convictions, de sons,de musique,d'images,de symboles,d'interprétations .
Le grand vertige,et dans cet écrin rajeuni,un passeport pour l'immortalité:
tout y est plus beau,du blanc plus blanc que blanc aux visages d'argent luisants des robots-flics ,tout y est plus fort,comme ce formidable environnement sonore crée par Walter Murch,qui pour le coup devient ahurissant,agressif ,harcèleur comme jamais ....
Mais ce mais,ce grand mais,et ces foutus rajouts numériques de discorde .
De la restauration d'accord,mille fois d'accord,mais pourquoi diable cette lubie de truffer d'fx rutilants une oeuvre qui avait su tirer justement son aura si spécial de leur abscence
Science fiction abstraite,mystérieuse et philosophique,un brin fauché-bricolé mais toujours élégante et rudement inspiré,
THX 1138 se voit dans ce director's cut paré de biens curieux atours : si et là des incursions parfois harmonieuses (quelques nouveaux robots ,et surtout de zolis plans urbains,notamment de circulation) ,parfois surprenantes (des reptiles et crustacés!),mais surtout assez laides (quand le bolide next generationnisé de Duvall traverse à toute vitesse la circulation fluide),et même tout simplement scandaleuses (les putains de singes numériques !!).
Faut être sérieusement touché pour oser nous blançer au visage ces ignobles singes numériques quelques secondes à peine avant de livrer l'un des plus ahurissant final de l'histoire de la création (le "silhouette tenue sur soleil couchant")....
De fait,ce new
THX 1138 c'est un peut tout George Lucas en instantané .
La trajectoire de l'auteur vers l'entrepreneur ,de celui qui met en scène les rêves à celui qui les aggrémente d'effets spéciaux .
De THX 1138 à Jar-jar Binks,30 ans et des millions de dollars .
Alors dire que Lucas a été dévoré par ce qu'il dénonçait des années plus tôt avec un talent redoutable est sans doute un brin facile et très cliché,mais quand même ....
Putain de monde .
Venez parler de THX 1138
Venez parler de George Lucas
Venez parler de Walter Murch et de Donald Pleasence
Venez parler de Dieu,des masses,des singes numériques
Venez parler d'Han Solo et de Jar-jar Binks
Venez parlez de Kurtz,sa destitution imminente,ses délires mystiques
Venez,"
nothing to fear".