Antonio Banderas, un talent dispersé à Hollywood
Depuis quelques années, Antonio Banderas sur grand écran, c'est deux paires d'yeux : celles que l'on voit à travers le masque de Zorro, et le regard tour à tour canaille et implorant du Chat Potté - la voix est de Banderas - apparu au deuxième épisode de la série animée Shrek. C'est donc ça, son destin ? Avec un peu d'eurochauvinisme, on ne peut s'empêcher de penser que le bel acteur espagnol qui a illuminé les films de Pedro Almodovar de Matador (1986) à Attache-moi (1990) avait mieux à faire que de s'exiler à Hollywood.
Le comédien espagnol est de passage à Paris pour défendre La Légende de Zorro, qu'il a fini par accepter de tourner après un hiatus de sept ans. Banderas a lu plusieurs scénarios avant de retenir celui qui fait de Zorro un mari abandonné. "Le premier épisode montrait comment un homme qui n'était pas Zorro devenait le personnage", rappelle-t-il, pour souligner la distance qu'il tient à mettre entre les héros classiques et le sien. A 45 ans, Banderas est visiblement ravi de pouvoir faire la preuve de sa forme physique. Il a été doublé pour les cascades aériennes, mais il a livré les combats à l'épée et chevauché lui-même la demi-douzaine de chevaux qui incarnent l'unique et légendaire Tornado.
Il est plus embarrassé quand on aborde le discours politique du film, qui met en scène un méchant Français opposé aux gentils Californiens qui veulent devenir citoyens américains. "Mais Zorro empêche la fraude électorale, fait-il valoir. Il aurait sans doute fallu 10 000 Zorro pendant le recomptage des votes en Floride", conclut-il avec un sourire en coin, faisant référence à la première élection, discutée, de George Bush Jr.
En fait, le parcours hollywoodien d'Antonio Banderas, fait de grosses machines et de films bien intentionnés plus ou moins réussis (le récent Disparitions, de Christopher Hampton), n'est que le versant apparent de sa vie professionnelle. L'immense succès commercial du premier Zorro lui a permis d'acquérir son indépendance financière. En 2003, le comédien, qui n'était plus monté sur scène depuis son arrivée aux Etats-Unis, a tenu le premier rôle dans la comédie musicale Nine, de Maury Yeston, créée en 1982 et adaptée du 8 1/2 de Fellini. Sur Broadway, Banderas est redevenu une star adulée du public et de la critique.
Parallèlement, l'Andalou (il est né à Malaga) prépare son retour au pays. Mais non pas pour tourner avec Pedro Almodovar, comme les deux hommes l'avaient annoncé en 2003 après la sortie de La Mauvaise Education : "Je ne sais pas ce qui se passe. A chaque fois que je croise Pedro, il me dit qu'il n'est pas satisfait du scénario. J'attends qu'il m'appelle."
Et si l'on voit, dans les semaines à venir, Banderas dans les environs de Malaga, c'est qu'il a décidé de tourner chez lui son deuxième film en tant que réalisateur. Adapté d'un roman d'Antonio Soler, El Camino de los Ingleses suit un groupe d'adolescents andalous au moment de la transition démocratique en Espagne. "Mais Soler a très délibérément tenu la politique en marge du récit. C'est une simple histoire de passage à l'âge adulte."
Qui ramène Antonio Banderas à ses débuts, quand il n'avait pas 20 ans, que le général Franco se mourait et qu'il jouait du Brecht avec une troupe itinérante : "Je me souviens du reflet des casques des policiers entre les rangées de spectateurs. On s'est tous retrouvés au poste après le spectacle. Mon père était policier. Il m'a demandé : "Qu'est-ce que tu fais là ?""