Séries américaines : panne sèche en vue ?
Posté : 11.05.2009 - 03:30
http://www.lemonde.fr/culture/article/2 ... _3246.htmlLes séries américaines ont- elles mangé leur pain blanc ? Aux Etats-Unis, le genre qui a connu son heure de gloire ces dernières années semble à la peine.
Pourtant, en apparence, rien n'a changé. Comme chaque année, début juin, les vedettes des séries américaines vont prendre leurs quartiers d'été à Monaco. Le rendez-vous du Festival de télévision qui s'y déroule est devenu incontournable pour les stars d'outre-Atlantique en tournée promotionnelle en Europe.
En 2008, Lisa Edelstein (l'héroïne de "Docteur House"), George Eads ("Les experts"), David Boreanaz ("Bones"), Jorge Garcia, Naveen Andrews ("Lost") avaient fait le déplacement. En 2009, pour la 49e édition du festival, Eva Longoria ("Desperate Housewives"), Emily Deschanel ("Bones"), Patrick Dempsey ("Grey's Anatomy") ou encore Mathew Fox ("Lost") sont déjà annoncés.
Mais cette grand-messe annuelle cache un réel malaise des grandes chaînes généralistes. Les networks, les grandes chaînes généralistes américaines, CBS, ABC, NBC et Fox, semblent avoir perdu la recette du succès. Cette saison, seule "The Mentalist", la série policière de CBS, aura été un véritable "blockbuster", un grand succès d'audience. La semaine du 27 avril, la dernière née de CBS a battu "NCIS" une autre série policière à succès de CBS. "The Mentalist" a réuni 17,11 millions de téléspectateurs tandis que "NCIS" en attirait encore 16,69 millions.
La grève des scénaristes américains, entre novembre 2007 et févier 2008, paraît avoir rompu le charme. La vague qui avait porté à l'écran les "Lost", "Desperate Housewives" et autres "Experts" et "Prison Break" semble retomber. Faute de temps pour finir les tournages, les saisons de certaines séries ont été tronquées. D'autres "drama" comme disent les Américains, n'ont pas retrouvé tous leurs fidèles. Pendant ce long hiver, les téléspectateurs sevrés de séries sur leurs chaînes habituelles ont lorgné sur les fictions du câble. Selon les chiffres publiés par l'institut de sondage Nielsen, les audiences des networks ont piqué du nez au profit du câble.
Avant la grève, les chaînes du câble attiraient un tiers de l'audience soit un peu plus que les 29 % réalisés par les télévisions généralistes. Pendant le conflit, le câble a connu un boom avec 36,4 % d'audience cumulée. Les grands Networks n'ont jamais reconquis le terrain perdu. Fin 2008, les télévisions du câble captaient encore une audience cumulée de 35,3 % ABC, CBS, NBC et autre Fox ne pesaient plus que 24,4 %.
En pratique, les soirées des grandes chaînes ont perdu 3 millions de téléspectateurs. Derrière la vogue du câble, il y a le succès de la stratégie dite de "création originale". Une démarche empruntée par la chaîne payante HBO pour redorer son image, conserver ses abonnés et en attirer de nouveaux. Puis copié par ses rivales, Showtime, USA. Ces Canal+ américains ont misé sur des fictions de prestige. Des séries fortes, voire culottées dans le genre morbide comme "Six Feet Under", violent comme "Dexter" ou sexy comme "Nip-Tuck". Ces fictions correspondent à "un besoin identitaire" des chaînes câblées, explique Rodolphe Belmer, directeur général de Canal+. Le problème, c'est qu'elles sont calibrées pour séduire un public ciblé d'abonnés. Mais lorsqu'il s'agit de toucher un auditoire plus large comme celui des chaînes généralistes, leurs qualités et leurs spécificités peuvent devenir des défauts. Trop sexy ou trop violentes, elles sont difficilement diffusables aux heures de grande écoute. Reléguées en dernière partie de soirée, ces séries font des scores d'audience décevants. Il y a quelques saisons, France 2 a pu l'observer avec "Les Soprano". Un succès sur HBO aux Etats-Unis mais un échec sur la chaîne publique. Une expérimentation qui n'a pas échaudé TF1, qui va bientôt tenter l'expérience avec "Dexter".
Face à des audiences en berne et des recettes publicitaires en chute du fait de la crise et de la concurrence du câble, les networks américains reviennent "à des recettes éprouvées et moins coûteuses à produire comme des procédural shows et des medical shows (des séries policières et médicales)", précise M. Belmer.
Ainsi, un épisode de "Lost" coûte près de 4 millions de dollars (3 millions d'euros) quand une aventure de la série policière "Cold Case" ne dépasse pas 2,5 millions de dollars. C'est en suivant cette politique de réduction des coûts que les studios Warner devraient annoncer dans quelques jours l'arrêt de l'une de ses séries phares : soit "FBI, portés disparus", soit "Cold Case". Une mauvaise nouvelle pour France 2, ces deux séries étant deux atouts de sa grille de programme. Plus malin, ABC a contrôlé l'envolée des salaires des actrices de "Desperate Housewives" en faisant disparaître l'une d'elles (Nicolette Sheridan alias Edie Brit) des prochains scénarios.
"TROU D'AIR"
Le téléspectateur français ne se rendra pas compte tout de suite des bouleversements en cours. Le décalage de diffusion de ces séries en Europe fait que le "trou d'air" en terme de création n'aura lieu que dans deux saisons. Mais après, c'est l'inconnu. Les successeurs de "NCIS" ou "Les Experts" risquent de se faire attendre.
Pourtant, pour les chaînes françaises, le besoin est vital. Avec l'essoufflement de la télé-réalité et les ratés des divertissements, les chaînes généralistes n'ont plus que le sport et leurs fictions américaines et françaises pour doper leurs audiences.
Les ordonnances du "Docteur House" font monter la fièvre de TF1 au-delà de 9 millions de téléspectateurs. Avec "FBI" ou "Cold Case", France 2 bat toutes ses rivales, ce qui n'est pas si fréquent. Et M6 s'appuie sur la puissance de feu de ses fictions américaines "NCIS", "Bones", "Desperate Housewives". Mais le filon pourrait se tarir plus vite que prévu.
Guy Dutheil
...Et pour reprendre une citation, dans un article de Marianne sur les séries, l'employeur français qui prévient un candidat à un poste de scénariste : "Attention, ici on fait de la merde..." Quelle franchise ! Quelle lucidité !