La TNT (Télévision Numérique Terrestre)
Posté : 17.06.2003 - 16:09
Source : Le Monde
La télévision numérique terrestre, moribonde fin 2002, a trouvé un nouvel élan grâce au consortium Freeview, qui regroupe la BBC, BSkyB et Crown Castle. En huit mois, plus d'un demi-million de décodeurs ont été vendus.
C'est un succès extraordinaire, sur lequel personne n'aurait parié lors de son lancement, à la fin du mois d'octobre 2002, après l'échec retentissant du bouquet numérique terrestre ITV Digital. En moins d'un an, Freeview, la plateforme britannique de télévision numérique terrestre (TNT) gratuite, s'est imposée aux côtés du satellite et du câble.
Alors que la TNT se lance en France, des interrogations demeurent, toutefois, sur la réussite de cette expérience audiovisuelle made-in-Britain.
Dans des locaux prêtés par la BBC, à Londres, où la seule note de chaleur est un téléviseur à grand écran, le directeur général de Freeview, Matthew Seaman, reçoit en bras de chemise. Il évoque plus d'un demi-million de décodeurs vendus en huit mois, 35 000 foyers nouveaux glanés chaque semaine, deux millions de clients d'ici la fin de l'année, des détaillants qui ne peuvent répondre à la demande, l'inquiétude de rivaux tels que les chaînes privées hertziennes comme Channel Four, Channel Five ou ITV...
Quelle est donc la recette de la grimpée ahurissante de ce bouquet devenu, du jour au lendemain, partie intégrante du paysage audiovisuel du royaume, aux côtés des BSkyB, TeleWest ou NTL ? "Une offre sans esbroufe, cohérente et équilibrée", explique M. Seaman, âgé de 35 ans. A l'évidence, la progression fulgurante du "petit dernier" fait la joie de ses trois actionnaires à parts égales : la BBC, BSkyB, le bouquet satellitaire de Rupert Murdoch, et Crown Castle, groupe américain expert en transmissions.
M. Seaman est un véritable obsédé du numérique. "La TNT gratuite, c'est ma mission", affirme-t-il. Avant de prendre les rênes de Freeview, ce diplômé d'histoire médiévale de l'université de Bristol a fait ses classes dans toutes les aventures de la digital planet. Passé par le service des abonnés d'ITV Digital, il a eu l'occasion de découvrir les chausse- trappes des bouquets numériques terrestres : problèmes de signaux, médiocre qualité de l'image, service après-vente déficient, offre trop complexe et pertes colossales.
Quand ITV Digital, partenariat entre Carlton et Granada, a rendu l'âme, en mai 2002, en laissant une ardoise de 1,2 million de livres (1,7 million d'euros), de nombreux candidats ont voulu récupérer la licence mise aux enchères.
Trois mois plus tard, le choix de l'Independent Television Commission, l'autorité de tutelle de la télévision commerciale, s'est porté sur le consortium Freeview. A ses yeux, la proposition tirait de ses puissants promoteurs bien des atouts.
La BBC, qui entendait développer sa présence numérique via les chaînes BBC3 et BBC4, a apporté son savoir-faire technologique. Pour sa part, souhaitant se répandre au-delà de sa base de départ, la télévision payante, le bouquet BSkyB était réputé pour ses talents de marketing et de vente au téléphone. Crown Castle, le troisième protagoniste, était chargé d'améliorer la diffusion, le grand point faible de l'offre de la TNT précédente.
En quelques semaines, M. Seaman a mis sur pied un centre d'appels téléphonique et un site Internet. L'offre est destinée à une clientèle financièrement aisée, mais "technoréticente", qui refuse plusieurs centaines de chaînes.
D'où le choix d'un bouquet proposant seulement une trentaine de chaînes et une quinzaine de stations de radio gratuites, attractives pour ce type d'audience : information, générale et sportive, fiction, documentaires, émissions pour enfants, musique, etc. Pas de foot, ni de films : c'est trop cher, et on risque déjà l'overdose sur BSkyB.
Quelques mois après le lancement, quatre thématiques originales spécialement créées pour Freeview, deux chaînes musicales et deux de loisirs, ont été ajoutées à la gamme de programmes.
Autre avantage, le décodeur, au fonctionnement simple, est vendu dans le commerce. De Nokia à NetGem, une dizaine de fabricants se sont lancés dans l'aventure, créant une concurrence qui limite le prix de vente à moins de 100 livres. En permettant aux clients d'ITV Digital de conserver gratuitement leur équipement, le bouquet a bénéficié d'une clientèle de départ de 900 000 foyers, indispensable pour inspirer confiance.
Enfin, une campagne de promotion agressive sur l'antenne de la BBC et auprès des détaillants a permis de gommer l'héritage sulfureux de la nouvelle venue.
Lorsque l'on est, comme M. Seaman, un jeune entrepreneur ambitieux originaire de Wolverhampton, cité ouvrière de l'ancien pays noir de l'Angleterre, on ne met pas les pieds dans la cour des grands de l'audiovisuel sans recevoir quelques perfidies pour prix de son audace.
"La BBC fait mousser Freeview pour mieux enterrer Sky", se délecte Andy Bird, président de Turner Broadcasting International. "Le contenu est léger. Il n'y a pas de quoi être scotché devant l'écran. La clientèle est surtout composée de personnes âgées", ajoute David Ellstein, fondateur du rival Channel Five.
Un expert des médias lève les bras d'horreur lorsque l'association entre Greg Dykes, le patron de la BBC, et Rupert Murdoch est évoquée : "Freeview est une trêve entre deux crocodiles qui ne rêvent que d'en découdre." Des soupçons que M. Seaman ne prend guère au sérieux : "Mes actionnaires sont à la fois amis et rivaux."
-*-*-*-*-
En France, après une période d'incertitudes, le projet suit son cours
Tous ensemble pour la télévision numérique terrestre (TNT) ou presque. A l'exception de TF1 - grand pourfendeur du nouveau support - ou de son bouquet satellitaire TPS, une soixantaine de protagonistes de l'audiovisuel français se sont rassemblés, jeudi 12 juin, à Paris, à l'invitation de Michel Boyon, auteur de deux rapports sur la TNT et récemment chargé par le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, d'une mission d'accompagnement pour la mise en place de la TNT.
Ils ont partagé leurs avis sur ce nouveau support numérique, qui permettra de recevoir 36 chaînes, au lieu de 6 aujourd'hui, par voie hertzienne.
Requinqués par le succès de la TNT britannique, ils ont aussi été confortés par la venue de Jean-Jacques Aillagon, le ministre de la culture et de la communication, venu apporter son soutien : "Le gouvernement est déterminé à accompagner ce projet et à assumer ses responsabilités", a-t-il déclaré.
Contraste saisissant avec la méfiance gouvernementale du mois de mai 2002. Il y a un an presque jour pour jour, en effet, la télévision numérique terrestre était au plus mal. Fraîchement arrivé rue de Valois, M. Aillagon avait émis des doutes sur la viabilité du calendrier de développement de ce nouveau support. Douze mois et deux rapports de Michel Boyon plus tard, avec un programme plus étalé dans le temps, la TNT vogue donc sur des eaux plus tranquilles. Le lancement est prévu en décembre 2004 pour 40 % des foyers français.
L'Etat préfinancera intégralement, via l'Agence nationale des fréquences, les premiers réaménagements. Comme le premier rapport Boyon l'avait stipulé, une enveloppe de 32 millions d'euros va être dégagée pour cette opération, qui devrait d'abord permettre à 40 % des foyers français d'être en mesure de recevoir la TNT. Le remboursement de ce préfinancement par les chaînes bénéficiera d'un différé jusqu'au démarrage de la TNT et sera étalé sur cinq ans, sans intérêt.
FRÉQUENCES PAYANTES
S'agissant des trois canaux préemptés par l'Etat pour France Télévisions, le ministre a confirmé leur maintien, ajoutant qu'il lui semblait plus opportun de les attribuer à des chaînes existant déjà dans l'orbite du service public (Le Monde du 5 février). La TNT pourrait également recevoir la future chaîne d'information mondiale à la française, pour laquelle France Télévisions est candidate face aux projets privés de LCI (groupe TF1) et de i-télévision (Canal+).
Pendant ce temps, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a délivré, le 10 juin, les autorisations aux chaînes qui seront diffusées sur la TNT : vingt chaînes privées, gratuites ou payantes, sélectionnées le 23 octobre 2002 ; TF1, France 2, France 3, Canal+, France 5, M6, Arte et La Chaîne parlementaire-Public Sénat.
Le CSA a également procédé à une répartition des chaînes en six bouquets, choisissant un principe de groupes afin de faciliter la distribution et la commercialisation. Canal+, i-télévision et Sport + sont ensemble ainsi que TF1, LCI, Eurosport et TPS Star, qui seront accompagnées de NRJ TV, seule chaîne - gratuite - du groupe NRJ, qui s'inquiète de la voir adossée avec des fréquences payantes.
Enfin, la structure de distribution - indispensable pour la réussite de la TNT - reste en suspens. Le CSA n'a pas encore reçu de candidatures d'opérateurs potentiels.
Vous avez tout lu ?
Non, je ne le crois pas.
Si ???
Alors c'est bien !
La télévision numérique terrestre, moribonde fin 2002, a trouvé un nouvel élan grâce au consortium Freeview, qui regroupe la BBC, BSkyB et Crown Castle. En huit mois, plus d'un demi-million de décodeurs ont été vendus.
C'est un succès extraordinaire, sur lequel personne n'aurait parié lors de son lancement, à la fin du mois d'octobre 2002, après l'échec retentissant du bouquet numérique terrestre ITV Digital. En moins d'un an, Freeview, la plateforme britannique de télévision numérique terrestre (TNT) gratuite, s'est imposée aux côtés du satellite et du câble.
Alors que la TNT se lance en France, des interrogations demeurent, toutefois, sur la réussite de cette expérience audiovisuelle made-in-Britain.
Dans des locaux prêtés par la BBC, à Londres, où la seule note de chaleur est un téléviseur à grand écran, le directeur général de Freeview, Matthew Seaman, reçoit en bras de chemise. Il évoque plus d'un demi-million de décodeurs vendus en huit mois, 35 000 foyers nouveaux glanés chaque semaine, deux millions de clients d'ici la fin de l'année, des détaillants qui ne peuvent répondre à la demande, l'inquiétude de rivaux tels que les chaînes privées hertziennes comme Channel Four, Channel Five ou ITV...
Quelle est donc la recette de la grimpée ahurissante de ce bouquet devenu, du jour au lendemain, partie intégrante du paysage audiovisuel du royaume, aux côtés des BSkyB, TeleWest ou NTL ? "Une offre sans esbroufe, cohérente et équilibrée", explique M. Seaman, âgé de 35 ans. A l'évidence, la progression fulgurante du "petit dernier" fait la joie de ses trois actionnaires à parts égales : la BBC, BSkyB, le bouquet satellitaire de Rupert Murdoch, et Crown Castle, groupe américain expert en transmissions.
M. Seaman est un véritable obsédé du numérique. "La TNT gratuite, c'est ma mission", affirme-t-il. Avant de prendre les rênes de Freeview, ce diplômé d'histoire médiévale de l'université de Bristol a fait ses classes dans toutes les aventures de la digital planet. Passé par le service des abonnés d'ITV Digital, il a eu l'occasion de découvrir les chausse- trappes des bouquets numériques terrestres : problèmes de signaux, médiocre qualité de l'image, service après-vente déficient, offre trop complexe et pertes colossales.
Quand ITV Digital, partenariat entre Carlton et Granada, a rendu l'âme, en mai 2002, en laissant une ardoise de 1,2 million de livres (1,7 million d'euros), de nombreux candidats ont voulu récupérer la licence mise aux enchères.
Trois mois plus tard, le choix de l'Independent Television Commission, l'autorité de tutelle de la télévision commerciale, s'est porté sur le consortium Freeview. A ses yeux, la proposition tirait de ses puissants promoteurs bien des atouts.
La BBC, qui entendait développer sa présence numérique via les chaînes BBC3 et BBC4, a apporté son savoir-faire technologique. Pour sa part, souhaitant se répandre au-delà de sa base de départ, la télévision payante, le bouquet BSkyB était réputé pour ses talents de marketing et de vente au téléphone. Crown Castle, le troisième protagoniste, était chargé d'améliorer la diffusion, le grand point faible de l'offre de la TNT précédente.
En quelques semaines, M. Seaman a mis sur pied un centre d'appels téléphonique et un site Internet. L'offre est destinée à une clientèle financièrement aisée, mais "technoréticente", qui refuse plusieurs centaines de chaînes.
D'où le choix d'un bouquet proposant seulement une trentaine de chaînes et une quinzaine de stations de radio gratuites, attractives pour ce type d'audience : information, générale et sportive, fiction, documentaires, émissions pour enfants, musique, etc. Pas de foot, ni de films : c'est trop cher, et on risque déjà l'overdose sur BSkyB.
Quelques mois après le lancement, quatre thématiques originales spécialement créées pour Freeview, deux chaînes musicales et deux de loisirs, ont été ajoutées à la gamme de programmes.
Autre avantage, le décodeur, au fonctionnement simple, est vendu dans le commerce. De Nokia à NetGem, une dizaine de fabricants se sont lancés dans l'aventure, créant une concurrence qui limite le prix de vente à moins de 100 livres. En permettant aux clients d'ITV Digital de conserver gratuitement leur équipement, le bouquet a bénéficié d'une clientèle de départ de 900 000 foyers, indispensable pour inspirer confiance.
Enfin, une campagne de promotion agressive sur l'antenne de la BBC et auprès des détaillants a permis de gommer l'héritage sulfureux de la nouvelle venue.
Lorsque l'on est, comme M. Seaman, un jeune entrepreneur ambitieux originaire de Wolverhampton, cité ouvrière de l'ancien pays noir de l'Angleterre, on ne met pas les pieds dans la cour des grands de l'audiovisuel sans recevoir quelques perfidies pour prix de son audace.
"La BBC fait mousser Freeview pour mieux enterrer Sky", se délecte Andy Bird, président de Turner Broadcasting International. "Le contenu est léger. Il n'y a pas de quoi être scotché devant l'écran. La clientèle est surtout composée de personnes âgées", ajoute David Ellstein, fondateur du rival Channel Five.
Un expert des médias lève les bras d'horreur lorsque l'association entre Greg Dykes, le patron de la BBC, et Rupert Murdoch est évoquée : "Freeview est une trêve entre deux crocodiles qui ne rêvent que d'en découdre." Des soupçons que M. Seaman ne prend guère au sérieux : "Mes actionnaires sont à la fois amis et rivaux."
-*-*-*-*-
En France, après une période d'incertitudes, le projet suit son cours
Tous ensemble pour la télévision numérique terrestre (TNT) ou presque. A l'exception de TF1 - grand pourfendeur du nouveau support - ou de son bouquet satellitaire TPS, une soixantaine de protagonistes de l'audiovisuel français se sont rassemblés, jeudi 12 juin, à Paris, à l'invitation de Michel Boyon, auteur de deux rapports sur la TNT et récemment chargé par le premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, d'une mission d'accompagnement pour la mise en place de la TNT.
Ils ont partagé leurs avis sur ce nouveau support numérique, qui permettra de recevoir 36 chaînes, au lieu de 6 aujourd'hui, par voie hertzienne.
Requinqués par le succès de la TNT britannique, ils ont aussi été confortés par la venue de Jean-Jacques Aillagon, le ministre de la culture et de la communication, venu apporter son soutien : "Le gouvernement est déterminé à accompagner ce projet et à assumer ses responsabilités", a-t-il déclaré.
Contraste saisissant avec la méfiance gouvernementale du mois de mai 2002. Il y a un an presque jour pour jour, en effet, la télévision numérique terrestre était au plus mal. Fraîchement arrivé rue de Valois, M. Aillagon avait émis des doutes sur la viabilité du calendrier de développement de ce nouveau support. Douze mois et deux rapports de Michel Boyon plus tard, avec un programme plus étalé dans le temps, la TNT vogue donc sur des eaux plus tranquilles. Le lancement est prévu en décembre 2004 pour 40 % des foyers français.
L'Etat préfinancera intégralement, via l'Agence nationale des fréquences, les premiers réaménagements. Comme le premier rapport Boyon l'avait stipulé, une enveloppe de 32 millions d'euros va être dégagée pour cette opération, qui devrait d'abord permettre à 40 % des foyers français d'être en mesure de recevoir la TNT. Le remboursement de ce préfinancement par les chaînes bénéficiera d'un différé jusqu'au démarrage de la TNT et sera étalé sur cinq ans, sans intérêt.
FRÉQUENCES PAYANTES
S'agissant des trois canaux préemptés par l'Etat pour France Télévisions, le ministre a confirmé leur maintien, ajoutant qu'il lui semblait plus opportun de les attribuer à des chaînes existant déjà dans l'orbite du service public (Le Monde du 5 février). La TNT pourrait également recevoir la future chaîne d'information mondiale à la française, pour laquelle France Télévisions est candidate face aux projets privés de LCI (groupe TF1) et de i-télévision (Canal+).
Pendant ce temps, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a délivré, le 10 juin, les autorisations aux chaînes qui seront diffusées sur la TNT : vingt chaînes privées, gratuites ou payantes, sélectionnées le 23 octobre 2002 ; TF1, France 2, France 3, Canal+, France 5, M6, Arte et La Chaîne parlementaire-Public Sénat.
Le CSA a également procédé à une répartition des chaînes en six bouquets, choisissant un principe de groupes afin de faciliter la distribution et la commercialisation. Canal+, i-télévision et Sport + sont ensemble ainsi que TF1, LCI, Eurosport et TPS Star, qui seront accompagnées de NRJ TV, seule chaîne - gratuite - du groupe NRJ, qui s'inquiète de la voir adossée avec des fréquences payantes.
Enfin, la structure de distribution - indispensable pour la réussite de la TNT - reste en suspens. Le CSA n'a pas encore reçu de candidatures d'opérateurs potentiels.
Vous avez tout lu ?
Non, je ne le crois pas.
Si ???
Alors c'est bien !