Les formats les plus violents représentent une part de marché inférieure à 10%
Jeux vidéo : la nouvelle bête noire des institutions
Le Figaro a écrit :Les ventes du jeu vidéo «Manhunt» explosent outre-Manche. La raison : la polémique qui enfle après qu'un adolescent a tué un camarade quelques jours plus tôt. La famille de la victime invoquant alors le jeu développé par Rockstar Games comme source d'inspiration du crime.
Le fait est que le jeu vidéo semble victime de son succès et de sa démocratisation. 45% des Français possèdent une console, 70 millions de PlayStation 2 ont été vendues dans le monde, les jeux s'écoulent par millions d'unités.
Plus consommé, le jeu vidéo est aussi plus médiatisé. Et est régulièrement mis en cause, dernièrement après les tueries de Littleton aux États Unis et d'Erfurt en Allemagne. «Même si les jeux les plus violents représentent une part de marché inférieur à 10%», souligne Bruno Bonnell, pdg d'Atari.
L'image souvent associée à l'univers du jeu vidéo est bien éloignée de la réalité du secteur. Le jeu vidéo n'est plus le loisir des spécialistes, des plus fortunés et des garçons. Il se féminise, avec 25 à 40% de joueuses, selon les pays. L'offre s'est élargie, permettant de satisfaire le plus grand nombre. De l'action au simulateur en passant par le jeu de rôle, il existe ainsi entre quinze et vingt genres différents.
Pour les experts, l'arrivée de la PlayStation a fait basculer le jeu vidéo dans cet âge adulte qui attend l'arrivée des consoles de troisième génération pour 2005-2006. Fut un temps où le marché était sous contrôle japonais, et Sega et Nintendo imposaient leurs standards : les jeux étaient colorés et destinés à un public de jeunes ados. Le plombier moustachu SuperMario (Nintendo) et le hérisson bleu Sonic (Sega) étaient les icônes d'une industrie de plus en plus grand public.
Puis en 1995, Sony lance sa PlayStation. Après dix années de gamineries nippones, les joueurs ont mûri. Ils ne veulent pas pour autant lâcher les manettes. L'informatique ayant progressé, les jeux peuvent offrir des univers plus complexes, plus réalistes, plus scénarisés. Un autre palier est encore franchi au début des années 2000 avec l'arrivée des consoles «hybri des». Consoles de jeu, les XBox et PlayStation 2 font également lecteur DVD. Plus sophistiqué, l'objet est destiné à des joueurs plus âgés encore. Aujourd'hui l'âge moyen des joueurs se situe entre 28 et 30 ans.
Matthieu Delarue, graphiste 3D chez Ubisoft à Montréal, se dit «époustouflé par le réalisme que les nouvelles technologies nous permettent d'atteindre. Il augmente l'immersion du joueur dans un monde qui se réfère au «monde réel».» . Mais «L'impression de danger se fait plutôt, comme au cinéma, par le scénario, la musique, le plan caméra, etc», tempère-t-il. «D'ailleurs, ce rapport au réel rend davantage perceptible une violence jusqu'alors contenue dans la tête des joueurs. Mais elle a toujours été présente», explique Bruno Bonnell.
L'offre ainsi élargie permet finalement de mieux segmenter les publics. L'action, l'aventure, les univers militaires sont clairement destinés aux aînés. Et «packagés et commercialisés comme tels», martèle Lâm Hua. L'âge des joueurs baisse en revanche lorsque «l'univers de référence implique un autre positionnement», comme Pokémon, détaille un autre expert du domaine.
De son côté, le PC, plateforme historique de jeu, profite pleinement de son extension sur Internet pour séduire les amateurs de jeux sophistiqués en réseau. Réflexion et stratégie sont les segments les plus porteurs de ce créneau couvert par les éditeurs traditionnels.
Objet placé au centre du foyer, la console a d'ailleurs un potentiel familial bien plus important que les campagnes publicitaires ne le laisseraient croire. Les jeux à dominante sportive, simulation ou jeunesse se partagent très équitablement le marché : soit 30% chacun. Le grand public a toujours la cote. Plus que la violence. Quoiqu'on en dise.
Dans le monde, le secteur pèse 25 milliards d'euros. Il a dépassé le chiffre d'affaires du cinéma. Tout un symbole
Un poids lourd dans l'économie mondiale
Le Figaro a écrit :Longtemps considéré comme un marché de niche, le jeu vidéo est aujourd'hui un poids lourd dans l'économie mondiale. Il y a trente ans, il n'y avait rien. Aujourd'hui, le secteur dégage plus de 25 milliards d'euros par an dans le monde, et a dépassé le chiffre d'affaires du cinéma. Tout un symbole.
Les Américains sont, de loin, les plus gros consommateurs de jeux vidéo dans le monde. En 2002, ils ont consacré 64 heures à leur console de jeu, soit près de deux fois plus qu'en 1998. La même année, rapporte l'institut Nielsen dans une étude controversée, le temps passé par les 18-35 ans devant la télévision décroissait de 7%. A croire qu'un jour, le joystick aura remplacé la télécommande. En 2003, les ventes de jeux et de consoles ont atteint 12 milliards d'euros aux Etats-Unis. Un record.
Mais le Japon, qui a vu naître Sony, l'un des trois leaders mondiaux de la console de salon, n'est pas en reste. En 2003, les ventes de jeux, de périphériques et de consoles s'y sont élevées à 4,4 milliards d'euros, faisant de ce pays le deuxième marché mondial, tandis qu'en Europe, le chiffre d'affaires du secteur atteignait 9 milliards d'euros.
Le marché se subdivise en deux grandes branches d'activités : l'édition de jeux et la vente de consoles. Si la première est encore occupée par de nombreux acteurs, ou tout du moins par une dizaine d'éditeurs, parmi lesquels l'américain Electronic Arts, le japonais Konami ou encore le français Atari, la totalité du marché de la console est aux mains de trois acteurs : Nintendo, Sony et Microsoft. Ce trio de tête pourrait même se muer en duopole, Microsoft ayant, selon les dires du magazine allemand Wirtschaftswoche, discuté de rachat avec Hiroshi Yamauchi, l'actionnaire majoritaire de Nintendo. Une affirmation qu'a catégoriquement démentie le groupe japonais, affirmant qu'il n'était pas à vendre.
Ces dernières années, sous l'impulsion des opérations de concentration, le marché a fait des malheureux. De nombreux petits éditeurs, écrasés par la concurrence des gros, ont mis la clé sous la porte. Mais, au global, et faisant fi de toutes les crises, l'industrie a tiré son épingle du jeu, en affichant une insolente croissance de l'ordre de 15% par an. Selon l'Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate), la tendance devrait cependant s'inverser dans les deux prochaines années à venir. En 2004, le chiffre d'affaires du secteur devrait reculer à 24 milliards d'euros, pour perdre encore 4 à 5% en 2005. La faute au marché, extrêmement cyclique, des consoles de salon. Celles-ci étant conçues pour durer entre 5 et 6 ans, les fabricants sont aujourd'hui dans le creux de la vague, et les ventes, qui ont atteint 7,5 milliards d'euros en 2003, devraient chuter à 2,8 milliards en 2005.
Il faudra attendre 2006, date à laquelle les consoles de nouvelle génération sont attendues, pour que le marché renoue avec la croissance. D'ici là, les fabricants misent sur le marché de la console portable, actuellement dominé à plus de 95% par Nintendo, pour se tailler des croupières.
Consignes sur étiquettes
Le Figaro a écrit :Tout pour protéger nos têtes blondes. Le nouveau système paneuropéen de classification de jeux vidéos permet d'envisager toutes les combinaisons dangereuses possibles pour «gamers» mineurs. Associant deux labels complémentaires, l'un lié à l'âge, l'autre au contenu, le Pan European Game Information (PEGI) a été introduit début 2003. Calqué sur le modèle prévalent aux Etats-Unis, ce système a remplacé, en France, le code couleurs indiquant un âge minimal recommandé pour jouer, selon une classification établie par le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell). La nouvelle catégorisation distingue cinq tranches d'âge – en fonction du contenu et non de la difficulté de jeu –, auxquelles s'ajoutent six catégories de contenu pouvant être problématique (violence, sexualité, drogues, horreur, incitation à la discrimination, langage grossier).
Ce dispositif reproduit quasiment à l'identique le modèle mis au point par l'ESRB aux Etats-Unis. Cet organisme indépendant, a lui défini cinq catégories : «E» pour tous publics, «C» pour jeunes enfants, «T» pour adolescents, «M» pour public mature de plus de 17 ans, et «A» pour adultes de plus de 18 ans.
L'ESRB est plus disert sur les informations complémentaires : ce ne sont pas sept, mais vingt-quatre critères allant d'«humour cru» à «nudité» en passant par les «jeux d'argent» ou «violence sexuelle» qui visent à détailler le contenu du jeu.
Depuis sa création, l'ESRB a classé plus de 10 000 jeux, 57% d'entre eux ayant atterri dans la catégorie E, 32% en T, 10% en M, et 1% en C. Seul hic : en Europe comme aux Etats-Unis, la classification reste une recommandation.
Electronic Arts domine le marché
Le Figaro a écrit :Leader depuis deux ans, l'éditeur américain Electronic Arts devance nettement ses concurrents. Avec un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros en 2003, EA a vendu 22 titres à plus de 11 millions d'exemplaires cette année. Editeur du hit international The Sims, EA détient un catalogue fortement ancré dans le sport (Fifa Soccer 2003, Live NBA). Les licences Harry Potter, le Seigneur des anneaux et James Bond sont ses autres grands atouts.
En second figure cette année Take2Game. Notamment grâce aux succès développés par son studio Rockstar Game, à la réputation sulfureuse, Take2 a dépassé le milliard de dollars de chiffre d'affaires (855 millions d'euros). Privilégiant le créneau adulte, Take2 a édité les controversés Great Theft Auto, Manhunt et Max Payne.
Un autre Américain occupe la 3e place : Activision. Son chiffre d'affaires de 717 millions d'euros se fait essentiellement sur la production de jeux d'action et de stratégie. Figurent ainsi dans ses titres phares Doom, Tony Hawk ProSkater et Spiderman.
Numéro quatre avec un CA de 631 millions d'euros, Atari défend son pré carré de l'édition grand public avec des titres comme Dragon Ball Z, Civilisation III et Driv3r.
VU Games dispose de titres majeurs lui permettant de se classer derrière les plus grands. Son chiffre d'affaires s'élevait à 571 millions d'euros l'an passé. Ses meilleures ventes ont pour nom Warcraft, Counterstrike, Diablo et Crash Bandicoot. De la stratégie et du jeu de rôles pour adolescents.