La baisse du prix des DVD menace les éditeurs indépendants
Posté : 31.08.2004 - 15:49
Source : Le Monde
La baisse spectaculaire du prix des DVD menace les éditeurs indépendants
Entre le premier trimestre 2003 et le premier trimestre 2004, le prix moyen du DVD est passé de 21,9 € à 16,3 € , selon une étude réalisée par le cabinet d'analyse marketing GfK. Cette baisse brutale s'explique en grande partie par le développement du hard discount, grâce auquel on trouve désormais une pléiade de DVD à moins de 5 € sur des sites Internet ou dans les magasins de la grande distribution.
La pratique de tels prix est rendue possible par les liens existant entre ces distributeurs et l'étranger, notamment la Belgique, un pays européen où la législation autorise la vente à perte. En réaction à cette concurrence féroce, bon nombre de majors ont dû, de ce fait, multiplier les opérations spéciales, proposant des films de fonds de catalogue et même quelques nouveautés à des prix inférieurs à 15 €.
Cette tendance présente de nombreux risques pour les éditeurs indépendants, qui ne peuvent se lancer dans ce mouvement à la baisse. De son côté, le consommateur est dérouté et hésite à acheter les nouveautés au prix fort. Comme l'explique une vendeuse de la Fnac Opéra, "le client est exaspéré d'acheter un produit qu'il retrouve à moitié prix deux mois plus tard".
Du coup, Emmanuel Suard, directeur du développement d'Arte France, la branche édition de la chaîne franco-allemande, estime qu'il devient de plus en plus difficile "de convaincre le client d'acheter un produit à 25 € " et qu'une "justification de la qualité du produit" devient une nécessité, face aux grandes surfaces qui commencent à refuser ces titres jugés trop chers ou peu vendeurs.
LE CAS DU "MÉCANO"
Les supports de qualité sont-ils alors condamnés à être uniquement perçus comme des produits de luxe ? Pour Nathanaël Karmitz, directeur de MK2 éditions, "le hard discount dévalorise le produit culturel" en ne proposant aucun travail autour du film, qu'il se traduise par une restauration de l'image ou par un complément d'informations (les bonus). "La chute des prix fait en ce moment autant de mal aux éditeurs que la piraterie", ajoute M. Karmitz qui observe que "le public a du mal à se repérer sur la qualité".
Le cas du Mécano de la "General", le grand classique de Buster Keaton, illustre bien cette confusion. D'un côté, MK2 ressort le film en salles et propose une édition en DVD pour laquelle le film a été restauré et de nombreux bonus réalisés. Au même moment, Aventi Distribution, une filiale du groupe Auchan, propose Le Mécano dans une copie ancienne, à moins de 5 € , sur le site C Discount, pour finalement réajuster son prix à 14,99 € .
Du côté des majors américaines, Philippe Bastard de Crisnay, président de Warner Home Vidéo France, refuse également cette "escalade à la baisse des prix qui détruirait la valeur du support" en réaffirmant que le DVD doit rester un produit de haute technologie : "Le prix se justifie en fonction de sa valeur ajoutée -les bonus- et de la qualité du film ; il doit donc y avoir différents niveaux de prix." Mais à en croire les vendeurs de la Fnac, le client accorderait de moins en moins d'importance à ladite valeur ajoutée, préférant les éditions simples, moins coûteuses.
Chez Aventi, Georges Thoman explique que la politique de prix a été "calquée en fonction de la demande du client". Les tenants de cette politique qui permet de s'acheter Rome ville ouverte pour le prix d'un paquet de café font valoir que ces tarifs permettent de constituer une estimable collection de DVD. Nathanaël Karmitz estime au contraire que "cette logique commerciale ne va pas dans le sens d'une démocratisation de la culture, mais de sa vulgarisation, le film n'étant plus considéré pour ce qu'il offre sur le plan créatif mais seulement évalué selon sa rentabilité immédiate".
Le discount ne concerne plus la seule distribution. Forts de leur succès, les distributeurs discount se font maintenant éditeurs et font monter les enchères lors de l'achat des droits vidéo des films. Ce fut récemment le cas pour Les Invasions barbares de Denys Arcand. "Les films d'auteur sont ici utilisés comme des produits d'appel nécessaires pour les clients, explique-t-on chez MK2. Lorsque le distributeur devient éditeur, ce qui n'est pas la même logique de métier, le marché s'en trouve considérablement déstabilisé."
La baisse spectaculaire du prix des DVD menace les éditeurs indépendants
Entre le premier trimestre 2003 et le premier trimestre 2004, le prix moyen du DVD est passé de 21,9 € à 16,3 € , selon une étude réalisée par le cabinet d'analyse marketing GfK. Cette baisse brutale s'explique en grande partie par le développement du hard discount, grâce auquel on trouve désormais une pléiade de DVD à moins de 5 € sur des sites Internet ou dans les magasins de la grande distribution.
La pratique de tels prix est rendue possible par les liens existant entre ces distributeurs et l'étranger, notamment la Belgique, un pays européen où la législation autorise la vente à perte. En réaction à cette concurrence féroce, bon nombre de majors ont dû, de ce fait, multiplier les opérations spéciales, proposant des films de fonds de catalogue et même quelques nouveautés à des prix inférieurs à 15 €.
Cette tendance présente de nombreux risques pour les éditeurs indépendants, qui ne peuvent se lancer dans ce mouvement à la baisse. De son côté, le consommateur est dérouté et hésite à acheter les nouveautés au prix fort. Comme l'explique une vendeuse de la Fnac Opéra, "le client est exaspéré d'acheter un produit qu'il retrouve à moitié prix deux mois plus tard".
Du coup, Emmanuel Suard, directeur du développement d'Arte France, la branche édition de la chaîne franco-allemande, estime qu'il devient de plus en plus difficile "de convaincre le client d'acheter un produit à 25 € " et qu'une "justification de la qualité du produit" devient une nécessité, face aux grandes surfaces qui commencent à refuser ces titres jugés trop chers ou peu vendeurs.
LE CAS DU "MÉCANO"
Les supports de qualité sont-ils alors condamnés à être uniquement perçus comme des produits de luxe ? Pour Nathanaël Karmitz, directeur de MK2 éditions, "le hard discount dévalorise le produit culturel" en ne proposant aucun travail autour du film, qu'il se traduise par une restauration de l'image ou par un complément d'informations (les bonus). "La chute des prix fait en ce moment autant de mal aux éditeurs que la piraterie", ajoute M. Karmitz qui observe que "le public a du mal à se repérer sur la qualité".
Le cas du Mécano de la "General", le grand classique de Buster Keaton, illustre bien cette confusion. D'un côté, MK2 ressort le film en salles et propose une édition en DVD pour laquelle le film a été restauré et de nombreux bonus réalisés. Au même moment, Aventi Distribution, une filiale du groupe Auchan, propose Le Mécano dans une copie ancienne, à moins de 5 € , sur le site C Discount, pour finalement réajuster son prix à 14,99 € .
Du côté des majors américaines, Philippe Bastard de Crisnay, président de Warner Home Vidéo France, refuse également cette "escalade à la baisse des prix qui détruirait la valeur du support" en réaffirmant que le DVD doit rester un produit de haute technologie : "Le prix se justifie en fonction de sa valeur ajoutée -les bonus- et de la qualité du film ; il doit donc y avoir différents niveaux de prix." Mais à en croire les vendeurs de la Fnac, le client accorderait de moins en moins d'importance à ladite valeur ajoutée, préférant les éditions simples, moins coûteuses.
Chez Aventi, Georges Thoman explique que la politique de prix a été "calquée en fonction de la demande du client". Les tenants de cette politique qui permet de s'acheter Rome ville ouverte pour le prix d'un paquet de café font valoir que ces tarifs permettent de constituer une estimable collection de DVD. Nathanaël Karmitz estime au contraire que "cette logique commerciale ne va pas dans le sens d'une démocratisation de la culture, mais de sa vulgarisation, le film n'étant plus considéré pour ce qu'il offre sur le plan créatif mais seulement évalué selon sa rentabilité immédiate".
Le discount ne concerne plus la seule distribution. Forts de leur succès, les distributeurs discount se font maintenant éditeurs et font monter les enchères lors de l'achat des droits vidéo des films. Ce fut récemment le cas pour Les Invasions barbares de Denys Arcand. "Les films d'auteur sont ici utilisés comme des produits d'appel nécessaires pour les clients, explique-t-on chez MK2. Lorsque le distributeur devient éditeur, ce qui n'est pas la même logique de métier, le marché s'en trouve considérablement déstabilisé."