ALIENATOR
Il y a des images qui marquent une jeunesse. Quand on a quinze ans, qu’on s’initie aux charmes de la perversion cinéphilique en s’abonnant à «Mad Movies » et qu’on lit l’annonce d’un film en tournage appelé «Alienator », on ne rêve que d’une chose, c’est de voir le bestiau ! Quand, en plus, les premières photos mettent en vedette une sorte de travelo de l’espace et que la vedette invitée n’est autre que Jan-Michael Vincent, le héros de «Supercopter », on est proche de l’orgasme par anticipation. Et quand, plus de dix ans plus tard, on découvre enfin la chose et qu’elle se révèle miracle !, presque conforme à ses attentes fébriles de jeune lecteur, le nirvana n’est pas loin et la foi en Dieu revient au grand galop.
La VHS française.
Car «Alienator », au-delà du carambolage un peu facile que constitue son titre («On n’a pas assez de pognon pour rivaliser avec de vrais film, alors on va donner le change en mélangeant deux titres connus… ») est une œuvre particulièrement représentative de la série Z californienne dans ce qu’elle a de plus vigoureusement cheap. Mitonnée au mépris de toute hygiène sanitaire par le maître-queux Fred Olen Ray, spécialiste des sous-Alien, sous-Jurassic Park, sous-n’importe quoi qui rapporte du fric, la tambouille est parfois un peu trop délayée, mais on trouve dans ses gros bouillons suffisamment de grumeaux nanars pour assouvir son appétit.
Le récit, assez linéaire, d’ «Alienator » s’ouvre sur un pénitencier spatial (une maquette pas belle pour les extérieurs, un hangar en plastique pour les intérieurs) destiné à l’accueil des pires criminels de la galaxie. Jan-Michael Vincent en est le directeur pas commode ; il accorde un intérêt tout particulier l’exécution de Kol, un vil révolutionnaire (un communiste de l’espace ??!! Cette vermine est partout !) responsable de l’extermination de planète entières. L’arrivée d’un haut fonctionnaire galactique opposé à la peine de mort (une sale fiotte de technocrate nanar social-démocrate !) retarde quelque peu la mise à mort de la vermine spatiale.
A peine cinq ans pour passer de Supercopter à ça. Merde alors!
L’infâme Kol (Ross Hagen)
Et en plus, il se maquille avec du khôl ! Mou ha ha ! Hem, excusez-moi…
La chaise électrique du cosmos.
L’opposant à la peine de mort : sale tantouze ! En plus, il a une tête à voter écolo !
L’ignoble Kol réussit à s’évader, ce qui nous vaut quelques-unes des scènes d’action les plus nazebroques du film, notamment quand le méchant susnommé tue un gardien en lui jetant des insectes géants de l’espace à la figure (voir photo).
Mouaaaargh !
Voix de l’alarme : «Evadé Kol en fuite ! Evadé Kol en fuite ! » (Hé oui, même les ordinateurs de l’espace commettent des pléonasmes)
Kol traverse le cosmos et atterrit sur Terre. La Terre du XX siècle, dans un pays évolué et normal (les USA, quoi !). Hé oui, car les habitants de la prison galactique ont beau être parfaitement humains dans leur physique et s’exprimer dans un français parfait, il s’agit là d’extraterrestres et non d’humains du futur ! Passons sur cette convention (qu’on retrouve un peu partout dans la S-F et qui facilite les rencontres intergalactiques) et revenons sur la prison spatiale : Jan-Michael Vincent, qui tire depuis le début du film une tête pas possible de pointeur à l’ANPE, décide de lâcher sur terre, à la poursuite de Kol, le chasseur le plus redoutable de l’univers : L’ALIENATOR ! Mais qu’est-ce que l’Alienator, et qu’est-ce qu’il alienate, me demanderez-vous, haletants ? Patience, on y arrive…
Pffff, quelle décadence…Obligé de jouer dans un nanar à deux balles et de porter des costumes ridicules…
Des costumes ridicules ? Qu’est-ce que je devrais dire !
Kol, arrivé en pleine campagne ricaine et mal en point, est recueilli par le groupe réglementaire de teenagers complètement cons. Ce qui nous vaut une petite baisse de rythme du film, malgré l’apparition de John Phillip Law, qui tente vaillamment de garder son sérieux dans le rôle du Shérif local.
Jane Fonda doit m’appeler d’un jour à l’autre pour tourner «Barbarella 2 ». Mais ça fait vingt ans que j’attends…
Bah, c’est mieux que mon rôle de flic dans «Les Yeux du désir »…
Le scientifique de la bande : «Il pompe les électrons comme une éponge ! »
Mais cela ne va pas durer, car le film retrouve d’un grand coup tout son potentiel nanar avec l’arrivée du rôle-titre : L’ALIENATOR !!!!! (faut que j’arrête de hurler…) Car, l’Alienator est…une Alienatrice ! Ou, plus précisément, c’est un croisement barbare entre Arnold Schwarzenegger et Catherine Lara, avec un superbe bikini en métal bricolé avec de vieilles casseroles !
L’Alienator, faut pas lui baver sur les rouleaux !
L’Alienator est interprétée par la grande, l’unique (et heureusement !) Teagan Clive, illustrissime culturiste américaine qui se frotta occasionnellement à la comédie (voir ses rôles de sorcière dans «Sinbad » avec Lou Ferrigno et de méchante dans "Interzone".) Bon, la musculature de cette brave Teagan Clive a le mérite d’être plus harmonieuse que celle de certaines de ses consoeurs dopées jusqu’aux ovaires, elle n’en demeure pas moins – la faute en incombe surtout à son accoutrement pas possible – l’une des visions les plus grotesques d’un film qui n’en manque pas. A chacune des apparitions de l’Alienator, l’oscilloscope nanar fait des bonds de géant !
Depuis le pénitencier galactique, Jan-Michael Vincent se contente d’observer à distance les mouvements de la super-chasseuse : privilège de la vedette invitée, qui a manifestement tourné toutes ses scènes en dix jours, dans trois décors, sans même avoir à se mélanger aux autres comédiens !
A la droite de Jan-Michael, P.J. Soles, qui a pour titres de gloire d'avoir joué dans "Carrie" et "Halloween". Et pis c'est tout!
Ce qu’on peut dire d’ «Alienator » se limite en fait au fond et à la forme du film, dont le grotesque est si évident qu’il dispense de la moindre analyse. Exemple particulièrement réjouissant de série Z destinée à encombrer le marché de la vidéo, cette œuvre est particulièrement représentative du talent particulier de Fred Olen Ray, l’homme qui massacre tous les thèmes du fantastique et de la science-fiction avec une réjouissante de complexes, tel un Ed Wood débrouillard qui aurait trouvé une niche commerciale. Ca reste toujours plus professionnel que «Blood Freak » ou «La Vengeance », mais la comparaison se situe à un tel niveau qu’elle ne veut plus rien dire. On notera cependant un certain effort pour donner plus d’une dimension aux personnages, ce qui se traduit par une remarquable incohérence quant à la sympathie que le spectateur est censé leur accorder : le directeur de la prison est-il une sale brute ou un héros, Kol une victime du système ou un ignoble salopard (vu la gueule de l’acteur, l’ambiguïté ne dure pas longtemps), l’Alienator un robot décérébré qui tue tout ce qui bouge ou une justicière intergalactique ? Cherchez pas, c’est juste le réalisateur qui a dû égarer des feuillets du scénario en route…
La vision subjective de l’Alienator : «Diagnosis : not hostile ».
T'en as déjà vu, des comme ça?
Oh, un djeddaï nanar !
C’est bon, Fred Olen Ray est parti ? Génial, j’ai pu éviter d’être filmée !
-Ca va faire bien, comme première expérience de comédiens sur nos CV !
-Ouais, c’est super géant !
Réjouissant comme tout, à condition de ne pas en attendre le délire psychédélique d’un «Crocodile Fury », «Alienator » est un spécimen très grand public de science-fiction minable, bricolée avec le budget d’un reportage de France 3 Pas-de-Calais. Encore une œuvre qui a dû faire se bidonner pas mal de jeunes ricains l’ayant louée par hasard dans leurs vidéo-clubs, avant d’aller se réfugier du Nanarland, dernier refuge des films dont plus personne ne veut. Entre, Alienator, tu es chez toi….
Et hop, pour les amateurs : les cuisses de Teagan Clive !
ALIENATOR
Année : 1989
Pays : Etats-Unis
Genre : Comment bien rater un film, leçon n°1
Catégorie : S-F ringarde
Durée : 1h33
Avec : John Phillip Law, Teagan Clive, Jan-Michael Vincent, Ross Hagen, Dyana Ortelli, P.J. Soles, Robert Quarry
Nikita : 2,5
ALIENATOR
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