
Mélangeant interviews, extraits de films et images d’archives, ce documentaire retrace l’histoire de la société de production Cannon Films, créée par Menahem Golan et Yoram Globus. Dans les années 1980, ces deux producteurs ont sans aucun doute produit les plus grands nanars du cinéma, s’emparant de force de la machine hollywoodienne, et changeant à jamais l’histoire du cinéma bis.
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2014. La Cannon, mythique société cinématographique au rutilant logo hexagonal, fait l’objet de deux documentaires. L’un est du genre poil à gratter, l’autre plus caressant. Celui qui fâche, et qui nous occupe en ces lignes, c’est Electric boogaloo (sous-titré The wild, untold story of Cannon films), troisième long-métrage documentaire de l’australien Mark Hartley après Note quite Hollywood : the wild, untold story of ozploitation ! (2008) et Machete maidens unleashed ! (2010). Au moment de la confection d’Electric boogaloo, Hartley sollicite logiquement les nababs Golan et Globus qui, considérant son approche d’un très mauvais œil, refusent les interviews et lancent, dans l’urgence, un projet concurrent et nettement plus flatteur : The Go-Go boys : the inside story of Cannon films, un titre qui sortira trois mois avant celui de Mark Hartley.
Flash-back. 1979 : deux producteurs israéliens, les cousins Menahem Golan et Yoram Globus (dits Mémé et Yoyo), épris de cinéma américain, rachètent une petite compagnie US, la Cannon, pour quelques 500 000 billets verts. Ainsi débute la période faste de la Cannon. Elle durera une dizaine d’années, jusqu’au départ de Menahem Golan. Personnages hauts en couleurs, authentiques passionnés de septième art, bonimenteurs de génie, charlatans au bagou stratosphérique, les Go-Go boys seront les P.T. Barnum des années quatre-vingt. Ambitieux, les deux compères vont réussir à créer leur propre modèle économique au sein du système hollywoodien. Un modèle impulsif (tout repose sur l’opportunité et le contact humain), grandiloquent, culotté, innovant (le système de prévente est déjà utilisé). Cependant, le fonctionnement financier est du genre kamikaze. Stratégie du volume, fuite en avant et partenariats douteux conduiront à la banqueroute. Clap de fin. Toujours est-il que la Cannon aura marqué son époque et possède encore aujourd’hui une aura mythique. On se souviendra notamment du recyclage d’acteurs devenus un peu has been (Charles Bronson, Lee Marvin), d’heureuses découvertes (Jean-Claude Van Damme et Chuck Norris doivent sans doute leurs carrières à la Cannon), d’œuvres en tous genres (des bandes d’action décérébrées aux films d’auteurs sérieux), du penchant sincère pour l’entertainment, de la volonté farouche d’offrir un spectacle populaire. Resteront de nombreux longs-métrages. Quelques œuvres intéressantes, beaucoup de plaisirs coupables et une sacrée palanquée de navets pur jus. La Cannon, c’était tout ça.
Nostalgiques de l’ère VHS, Electric boogaloo est fait pour vous. Voici en effet une succulente madeleine de Proust. Copieux florilège d’interviews, d’images d’archives et d’extraits des productions Cannon, le documentaire de Mark Hartley s’avère ultra rythmé (avec un côté foisonnant qui colle bien au sujet), drôle, instructif, grisant, dynamique, hallucinant (Golan allant jusqu’à débiter son bla-bla à ... un orang-outang !). On éclate parfois de rire à la vue de certaines images (les nanars estampillés Cannon ont un indéniable pouvoir hilarant) ou à l’écoute de certaines interventions (« C’était la formule Cannon : un film qui en copie un autre, le bon goût en moins. »). On ressent, aussi, un petit pincement au cœur en réalisant que l’aventure aurait pu mieux tourner et que la Cannon a, indubitablement, laissé un certain vide depuis sa chute.
Epopée à part dans le paysage hollywoodien, rocambolesque bulle de créativité, l’âge d’or de la Cannon méritait bien un documentaire de qualité. C’est désormais chose faite grâce à Electric boogaloo.
